lundi 31 octobre 2011

Pourquoi je suis fière de ne pas être allée voir le Grand Prix de F1...

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La Formule Un et la villageoise, deux visages de l'Inde

SALARPUR, Inde, 25 octobre (Reuters) - Meera, illettrée et mère de quatre enfants, ne connaît pas son âge exact et ne sait pas non plus pourquoi, à quelques centaines de mètres de son village, les bénéficiaires de l'essor économique de l'Inde suivront dimanche le premier Grand Prix de Formule Un organisé dans son pays.
"Qu'est-ce que c'est que cette histoire de Formule Un? J'ai appris seulement récemment qu'une partie de nos terres avait été acquise pour ça", explique la jeune femme, debout devant une mare fétide, avec à ses côtés un enfant couvert de verrues.
Au loin, on distingue les projecteurs allumés du circuit ultramoderne proche de New Dehli, symbole aux yeux des dirigeants de la capitale de la réussite de l'Inde et de son nouveau statut sur la scène mondiale.
Pour la classe aisée De New Delhi, le circuit de Buddh est l'exemple parfait de la capacité du secteur privé à construire un site de haute technologie, capable de recevoir un évènement de portée mondiale.
Pour d'autres, il illustre l'inéquité économique et sociale qui prévaut en Inde et est perçu comme une fête élitiste, dont les billets d'entrée sont inabordables pour la grande majorité des Indiens et qui n'est en aucune façon ancrée dans la culture nationale.
"La perception de l'Inde dans le monde va changer après le Grand Prix, et tout le monde oubliera ce qui est arrivé avec les Jeux du Commonwealth", assure le P-DG de Jaypee Sports International, le constructeur du circuit, en faisant allusion aux scandales de corruption qui ont entouré les Jeux.
Le premier Grand Prix de F1 en Inde constitue par ailleurs l'exemple type de la volonté des dirigeants sportifs internationaux de prendre toute leur part dans la croissance économique du continent asiatique.

PROJETS PHARAONIQUES

Dans ce domaine, l'Inde est en concurrence directe avec les autres grands pays émergents. La Chine a accueilli les Jeux olympiques en 2008, le Brésil les organisera en 2016, deux ans après avoir reçu les acteurs de la Coupe du monde de football.
Pour l'heure, le débat fait rage en Inde sur le bien-fondé des projets sportifs pharaoniques des autorités dans un pays où le taux de malnutrition dépasse celui de la zone sub-saharienne.
Le billet le moins cher pour le Grand Prix de dimanche est de 2.500 roupies (36 euros), l'équivalent d'un demi-mois de salaire d'une femme de ménage.
Les entreprises débourseront environ 200.000 dollars (140.000 euros) pour une loge, et toutes ont pratiquement trouvé preneur.
"A bien des égards, tout cela met en relief ce qui ne va pas dans ce pays", souligne Paranjoy Guha, un commentateur politique.
"Une partie de la population voudrait afficher devant le monde entier notre croissance économique. Mais il faut venir ici pour constater la réalité et voir sur le terrain l'inégalité et la pauvreté", ajoute-t-il.
Dans son village de Salarpur, Meera prend dans ses bras l'un de ses enfants, victime à deux reprises de la malaria.
"Je ne comprends pas qu'on puisse avoir des voitures qui courent pour le plaisir des gens. Il y en a qui paient pour ça, comme au cinéma?"
A proximité, les employés du circuit procèdent aux derniers préparatifs en arrosant abondamment les pelouses impeccables entourant le site. Meera, qui ne dispose que de quatre heures d'électricité par jour, doit aller chaque jour chercher de l'eau à la pompe, située à une demi-heure de marche.

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