PONDICHERY, 22 avr 2012 (AFP) - A Pondichéry, jadis
comptoir choyé de la Compagnie des Indes, les habitants devenus Français pour
des raisons historiques votaient dimanche pour élire le président d'une ancienne
puissance coloniale dont certains ignorent encore jusqu'à la langue.
Après des siècles d'administration française, un traité
du 16 août 1962 entérinant la rétrocession à l'Inde de cet ancien comptoir posé
sur le golfe du Bengale offrit à la population de renoncer à la nationalité
indienne. Sur les 70.000 ayant-droits, 7.000 dirent "oui" à la France.
Seule communauté des Français de l'étranger à ne pas être
formée d'expatriés, les "Franco-Pondichériens", qui représentent aujourd'hui 70%
des 9.600 Français vivant en Inde, n'ont parfois jamais vu leur pays
"bleu-blanc-rouge", à 9.000
km de ce petit port tranquille du sud indien où l'on parle
tamoul.
Mais une élection présidentielle ne s'oublie pas : dès
l'ouverture des quatre bureaux de vote, des files d'électeurs transpirant sous
une chaleur accablante patientaient pour voter au coeur de la "ville blanche",
évoquant leur fierté.
"Je suis citoyenne française, j'ai le droit et le devoir
de voter", résume Marie Jeanne d'Arc, sari vert bouteille et boucle d'oreille au
nez, tandis que des policiers en képi rouge surveillent le flux d'un oeil morne.
Pour se sentir Français à part entière, les Pondichériens
avaient pu choisir leur nom patronymique et certains se sont attribués des noms
empruntés à leur héros ou à de grands auteurs, comme Racine ou Corneille.
D'autres, de milieu plus modeste, se nommèrent avec des mots usuels, comme les
jours de la semaine.
Certaines familles sont aussi devenues françaises au XIXe
siècle, après avoir accompli l'"acte de renonciation" à la nationalité indienne.
"Je suis venu voter pour prouver que je suis français",
murmure Srinivasan, 96 ans, tunique blanche et parapluie noir, le front orné
d'un bindi vermillon, avant de repartir vers l'avenue Goubert, sur le front de
mer.
Mme Jeanne d'Arc, 73 ans, affirme avoir voté pour
François Hollande "parce que je veux du changement", dit-elle en tamoul, en
montrant un papier chiffonné où un proche lui a écrit, pour éviter toute erreur,
le nom du candidat en français à côté du nom transcrit en langue locale.
Car de nombreux Pondichériens, dont certains
appartenaient autrefois à l'une des plus basses castes indiennes, ne savent ni
lire ni parler français et voter peut vite devenir une opération complexe.
"La loi interdit de parler une autre langue que le
français dans un bureau de vote mais les présidents de bureaux ont accepté
d'expliquer en tamoul aux électeurs qu'ils pouvaient prendre au minimum deux
bulletins et dix au maximum", témoigne Prédibane Siva, délégué de bureau au
consulat.
"Si on ne fait pas ça, il faudrait deux jours pour voter
à Pondichéry !", sourit ce responsable du comité de soutien UMP, qui a organisé
le mois dernier des réunions pour sensibiliser les électeurs en diffusant les
meetings de Nicolas Sarkozy enregistrés sur internet pendant la campagne.
Pour Roopini Balasurbramanian, 18 ans, cette élection est
une première.
"Je ne suis jamais allée en France, je ne connais pas
beaucoup la politique mais je dois voter pour mon pays, c'est ma
responsabilité", assure cette jeune fille à la longue tresse ornée de fleurs de
jasmin.
"Mon grand-père, qui reçoit le journal français une fois
par mois, m'a expliqué que j'avais le choix entre deux candidats: Nicolas ou
François", poursuit en anglais Roopini, gardant secrète sa décision.
A la
section PS de Pondichéry, les militants, forts d'un budget de
1.500 euros accordé par la rue de Solférino, ont imprimé des tracts à l'effigie
de François Hollande avec un message en français et un autre en tamoul, au
verso, qu'ils ont distribués en faisant du porte-à-porte.
Prosper Emmanuel, l'un des responsables socialistes,
reconnaît que le vote des habitants est assez simple: "C'est soit Sarkozy, soit
Hollande. Ici, il n'y a pas de comité de soutien à M. Bayrou ou aux extrêmes".
En 2007, Ségolène Royal était arrivée en tête au
deuxième tour, avec 53 voix d'écart, une première dans ce fief réputé gaulliste
où l'on aime à rappeler qu'après l'appel du 18 juin 1940, les Pondichériens
furent les premiers volontaires à débarquer à Toulon pour défendre "leur pays".
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