KHERIKHUMMAR (Inde), 06 août 2012
(AFP) - Les pluies de la mousson qui s'abattent chaque été en Inde sont arrivées
cette année avec retard et parcimonie, faisant craindre un risque de sécheresse
qui pourrait s'avérer catastrophique pour des centaines de millions de paysans.
La mousson, qui arrose d'abord le sud de l'Inde
début juin avant de traverser tout le pays, est cruciale pour les deux tiers de
la population de 1,2 milliard d'habitants qui dépendent de l'agriculture pour
subvenir à leurs besoins.
Mais les pluies ont été si
faibles jusqu'à présent que certains paysans ont tout simplement décidé de ne
pas semer cette année.
"Mes champs sont complètement
desséchés. Il n'y a pas eu de pluie et je n'ai pas de système d'irrigation
artificielle pour faire monter mes graines", se désole Rameshwar Dayal, un
paysan de 61 ans, interrogé par l'AFP dans son village de Kherikhummar, dans
l'Etat de l'Haryana (nord).
"Quel est l'intérêt de semer si
l'on sait qu'il n'y aura pas d'eau pour irriguer les récoltes ?",
s'interroge-t-il. "Je ne peux pas me permettre de perdre mes semences ni mon
argent", dit ce paysan dont les terres produisent normalement du maïs, du
millet, du sésame et du blé.
Comme le Pendjab, cet Etat est
connu pour être le "grenier" de l'Inde, avec 60% des récoltes de blé, de maïs,
de riz et de graines légumineuses.
Mais cet été l'Haryana est frappé
de plein fouet par le manque de précipitations, avec 65% de pluies en moins que
la moyenne habituelle, selon le département météorologique. Les Etats du
Maharashtra et du Gujarat, dans l'ouest de l'Inde, et des régions du sud du pays
sont aussi touchés.
Dans tout le pays, et même si la
mousson a provoqué des inondations dans le nord-est, le déficit pluviométrique
est de l'ordre de 20% par rapport à la moyenne, faisant craindre un scénario
proche de celui de 2009.
Cet été là, les précipitations
avaient chuté de 30% par rapport à la normale, provoquant la pire sécheresse
depuis 1972 et réduisant à néant la plupart des récoltes, notamment de riz,
canne à sucre et coton.
Un nouveau revers dans le secteur
agricole risque d'aggraver l'économie indienne, qui a enregistré son plus faible
rythme de croissance en neuf ans au premier trimestre.
Une sécheresse risquerait aussi
d'entraîner une envolée des prix des denrées agricoles sur les marchés mondiaux,
l'Inde étant le plus gros producteur de graines légumineuses au monde et le
deuxième plus gros producteur de riz, de sucre et de thé.
Selon des données recueillies en
2010 par l'université agricole de l'Haryana, plus de 30% des terres arables de
la région n'ont pas d'accès direct à l'irrigation. Dans tout le pays, ce sont
deux tiers des paysans qui dépendent entièrement des pluies.
Dans l'attente de la mousson, les
paysans avaient labouré leurs terres et réparé leur tracteurs.
"Tous nos efforts ont été une
perte d'énergie. Les dieux de la pluie nous ont trompés", lâche Saroj Singh, une
paysanne mère de deux enfants. "On ne travaille presque pas dans les champs et
il n'y aura pas d'entrée d'argent cette saison".
Avec un mari et un beau-père
alcoolique, glisse-t-elle, la famille dépend uniquement du revenu issu de ses
trois hectares de terres qui lui rapporte bon an mal an quelque 200.000 roupies
(environ 2.900 euros).
Même si le gouvernement n'a pas
encore déclaré l'état de sécheresse, il a déjà offert une aide financière de 19
milliards de roupies (277 M EUR) à 10 millions de paysans. Il s'est aussi assuré
de fourrages suffisants pour le bétail et d'une quantité adéquate d'eau potable
dans les réservoirs.
"Tous les ans, l'Inde joue à la roulette russe avec la nature.
Il semble que les Indiens vont perdre au jeu cette année", pronostique Ram
Kumar, professeur à l'université agricole de l'Haryana.
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