Inde: les mariages d'amour interdits dans
un village, la police saisie
NEW DELHI, 13 juil 2012 (AFP) -
Un conseil de village dans le nord de l'Inde a interdit les mariages d'amour et
décidé que les femmes de moins de 40 ans n'avaient pas le droit de faire les
courses seules ni d'utiliser leurs téléphones portables hors de chez elles, a
rapporté la presse vendredi.
La police a été chargée
d'enquêter sur ces mesures radicales portant sur l'attitude à adopter pour les
femmes vivant au village à majorité musulmane d'Asara, dans l'Uttar Pradesh,
selon l'agence Press Trust of India (PTI).
Le ministre indien de
l'Intérieur, P. Chidambaram, a condamné vendredi ces mesures qui n'ont, a-t-il
dit, pas "de place" dans une société démocratique.
"La police doit agir contre
quiconque énonce de tels 'diktats'. Si quelqu'un prend des mesures contre un
jeune homme ou une jeune femme sur la base de tribunaux de village illégaux, il
doit être arrêté", a-t-il menacé.
Les conseils de village, appelés
"panchayats" en hindi, sont généralement formés d'un groupe non élu de vieux
sages qui se posent comme garants de la morale et arbitres en cas de conflits au
sein de la communauté. Leurs jugements, même sans poids
juridique, influencent fortement la vie des habitants.
Les "panchayats" ont déjà été
accusés d'abus, concernant notamment l'interdiction des mariages intercastes qui
entraînent parfois, avec leur accord tacite, des "crimes d'honneur" perpétrés
par des proches de jeunes gens voulant se marier avec un membre d'une caste
inférieure.
Les mesures prises au village
d'Asara ont été condamnées par des associations de défense des droits des
femmes.
"Cette idée qu'une femme de moins
de 40 ans a besoin de protection est un coup porté à toute les normes de base",
a commenté Sudha Sundar Raman, secrétaire générale de l'Association des femmes
indiennes démocratiques.
Des représentants du conseil de
village, interrogés par le quotidien Mail Today, ont justifié leurs règles par
la volonté de protéger les femmes d'"éléments mauvais" dans la société.
Selon l'un d'eux, Sattar Ahmed,
"les mariages d'amour", à l'inverse des mariages arrangés, "écornent la
respectabilité" des familles et sont "une honte sur la société".
Certains habitants du village
eux-mêmes n'ont rien trouvé à redire.
"Les téléphones portables sont un fléau, en particulier pour les
filles. J'aurais été encore plus content si le panchayat avait complètement
interdit les portables aux filles", a commenté un habitant, Tarun Chaudhary,
cité par le Mail Today.
Inde: la révolte des jeunes mariées contre
l'absence de toilettes au foyer
VISHNUPUR KHURD, 13 juil 2012
(AFP) - Etincelantes de propreté, décorées de fleurs en plastique et de ballons
pour la fête organisée en leur honneur, les toilettes de la nouvelle maison de
Priyanka Bharti, une jeune mariée, symbolisent l'émancipation des Indiennes, en
particulier à la campagne.
En avril, Priyanka, 19 ans, a quitté son mari
quatre jours après la noce: leur logement, situé dans un petit village de
l'Uttar Pradesh (nord), était dépourvu de toilettes.
Comme beaucoup de femmes vivant à
la campagne, elle était censée faire ses besoins dans les champs, autour du
village. Hors de question, a-t-elle tranché, en dépit des pressions de sa
famille et de sa belle-famille, épouvantées par le scandale provoqué par son
départ.
"J'étais bien décidée à ne pas
rester dans une maison où les gens peuvent me voir faire mes besoins dehors,
sans aucune hygiène", raconte la jeune femme, après la cérémonie d'inauguration
des toilettes à domicile, construites par l'organisation caritative Sulabh.
"Je ne sais pas d'où j'ai tiré ma
force. Mais je viens d'une famille où les femmes sont fortes", confie-t-elle à
l'AFP.
"Mes parents étaient inquiets et
en colère mais je leur ai expliqué que je ne pouvais pas agir autrement. Ils
ont, eux, des toilettes à l'intérieur, et je trouvais vraiment difficile d'aller
faire mes besoins dehors", explique la jeune Indienne, dont le mariage a été
arrangé lorsqu'elle avait 14 ans.
Après avoir eu vent du geste de
Priyanka, Sulabh, une ONG qui promeut la construction de latrines pour améliorer
l'hygiène et la santé des habitants, a donné une récompense de 200.000 roupies
(2.900 euros) à la jeune rebelle, qui a finalement accepté de réintégrer le
foyer conjugal une fois les WC installés.
L'obligation de déféquer en plein
air, faute de latrines, a fait surgir un débat majeur en Inde, ouvrant la voie à
des questions sur les droits des femmes, les droits à l'hygiène, mais aussi sur
l'opposition entre mode de vie traditionnel et modernité.
"Les femmes ne veulent pas
s'exposer en plein air pendant la journée, elles vont donc aux champs avant
l'aube, puis elles doivent attendre des heures jusqu'au crépuscule", explique
Bindeshwar Pathak, qui a fondé Sulabh en 1973.
"Marcher pieds nus dans ces zones
est vraiment mauvais, on attrape des vers, des bactéries et plein de maladies.
Ce n'est pas sain pour les enfants qui jouent là. Les gens ne discutaient pas de
ça mais, maintenant, c'est devenu un débat public", ajoute-t-il.
L'ONG a récompensé financièrement
trois jeunes mariées ces derniers mois, espérant "qu'elles serviront d'exemple
pour encourager une meilleure hygiène".
Le ministre du Développement
rural, Jairam Ramesh, a estimé récemment que l'Inde "devrait avoir honte" que 60
à 70% d'Indiennes soient obligées de faire leurs besoins en plein air.
Selon les Nations unies, 600
millions d'Indiens, soit 55% de la population, n'ont pas de toilettes et l'on
compte davantage d'habitants ayant un accès à un téléphone portable qu'à des WC.
Le ministre a promis de nouveaux
financements mais comme souvent en Inde, les programmes publics de construction
sont minés par la corruption. Dans l'Uttar Pradesh par exemple, des millions de
toilettes censées être construites par les autorités n'ont jamais vu le jour.
Lors de la cérémonie
d'inauguration, qui s'est déroulée pendant une journée entière en présence de
centaines de villageois, Kamala Wati Sharma, 45 ans, regarde ces toilettes avec
admiration et envie.
"Nous n'avons rien dans notre
maison", dit cette mère de cinq enfants. "C'est un problème d'aller faire ses
besoins à la nuit tombée. Mais une chose pareille, ça coûte cher".
Selon Sulabh, qui a fourni 1,2
million de toilettes aux foyers les plus pauvres, les latrines de Priyanka ont
coûté 1.000 dollars (800 euros) mais des installations plus modestes peuvent
être construites pour moins de 30 USD.
Amarjeet, le mari de Priyanka, est, lui, content que son épouse
soit revenue. Il avoue aussi être surpris et fier de sa femme. "J'étais gêné
lorsqu'elle a demandé +où sont les toilettes?+ et que nous avons dû lui dire
d'aller dehors", confesse le jeune marié, âgé de 20 ans.
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