--
BOMBAY, 27 mai 2012 (AFP)
La main de Dieu ou la clé du
plombier? Un Christ crucifié dont sort de l'eau sème la discorde en Inde,
entre catholiques qui y voient un miracle divin et un militant scientiste qui
encourt la prison pour blasphème après avoir évoqué un simple problème de
tuyauterie.
Des milliers de chrétiens fervents ont afflué en mars
dans une banlieue de Bombay pour s'abreuver à la source gouttant des pieds de
Jésus sur la croix, convaincus qu'elle libérait une eau lustrale.
Sceptique de nature, Sanal Edamaruku, président de
l'Association rationaliste indienne, a affirmé, après inspection, que le
suintement provenait d'une évacuation d'eaux de ménage défectueuse et qu'il
représentait un danger pour ses consommateurs.
Ses propos ont immédiatement suscité l'ire de groupes
religieux et une plainte de police l'accusant de propager "le venin
anti-catholique" a été déposée à Bombay, qui pourrait lui valoir trois ans de
prison pour blasphème.
"Ne tentez pas de faire revenir les temps obscurs en
Inde", a lancé Sanal Edamaruku à ses détracteurs lors d'un débat télévisé.
L'un d'eux est Joseph Dias, secrétaire général du Forum
séculaire catholique-chrétien, qui lui reproche "un préjugé farouchement
anti-chrétien".
Dans un communiqué transmis à l'AFP, il dément que la
fuite du calvaire ait été présentée comme un miracle divin --statut requérant un
édit religieux-- tout en réfutant la théorie d'Edamaruku. "Il n'y a toujours pas
d'explication crédible".
Joseph Dias juge "inutile" d'envoyer Edamaruku en prison:
"plutôt dans un asile d'aliénés, pour qu'il se soigne".
L'Inde est officiellement séculière mais le blasphème
reste un délit puni par la loi dans cet immense pays à majorité hindou, composé
d'importantes minorités ethniques et religieuses (bouddhistes, chrétiens,
musulmans), où piété et superstition ne sont pas des motifs de plaisanterie.
La loi indienne proscrit "les actes délibérés et
malveillants destinés à faire outrage aux sentiments religieux d'une communauté
en insultant sa religion ou ses croyances".
Au nom de la liberté d'expression, les avocats de Sanal
Edamaruku veulent saisir la Cour suprême de la plus grande démocratie du monde
afin qu'elle statue contre cette disposition du code pénal datant de l'ère
coloniale.
Sanal Edamaruku compare la réaction des catholiques
indiens "aux fondamentalistes islamiques" qui avaient émis une fatwa condamnant
à mort l'écrivain Salman Rushdie après la publication des "Versets Sataniques"
en 1988.
Salman Rushdie, dont le livre reste interdit en Inde pour
insulte envers l'Islam, a récemment dénoncé à New Delhi le "fanatisme religieux"
qui l'avait empêché de participer en janvier au plus grand salon du livre
indien, à Jaïpur, dans l'ouest du pays.
"J'ai toujours dit qu'il y avait deux Indes", confie
Sanal Edamaruku. "Celle du 21ème siècle, qui est progressiste, moderne,
scientifique" et "l'Inde du 17ème, qui nous ramène aux époques obscures de
l'intolérance, de la bigoterie et de la superstition".
Sanal Edamaruku, 56 ans, est familier des polémiques. Son
association, qui revendique plus de 100.000 membres --sur 1,2 milliard
d'habitants-- a été créée en 1949 pour promouvoir le raisonnement scientifique.
Depuis trente ans, l'homme se fait fort de démasquer les
"gourous" autoproclamés qui sévissent à travers le pays en amassant une fortune
sur le dos de leurs fidèles.
Il s'en est notamment pris au célèbre Sai Baba,
considéré par des millions d'Indiens comme un dieu vivant, doué de pouvoirs
surnaturels, chez qui près de cent kilos d'or, 307 kilos d'argent et 115
millions de roupies (1,6 million d'euros) en liquide ont été retrouvés à sa mort
l'an dernier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire